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  • Photo du rédacteurLise Blanc

Te Araroa trail - carnet de voyage 4 - île du sud - CANTERBURY

Dernière mise à jour : 6 nov. 2023

06.01.20 (J 28)

Je me réveille avec la sensation d’avoir dormi douze heures. Je suis en forme ! Nous levons le camp vers 9h30. Malheureusement, le vent est toujours présent. Nous traversons la plaine et longeons des rivières. Le terrain est moins lisse, plus encombré d’herbes hautes et le chemin est moins bien dessiné. À un moment donné, nous voyons, sur notre droite, une hut qui gît là, au milieu de nulle part. Nous sommes entourés par de la caillasse et des couloirs (qui doivent être avalancheux en hiver). Je mets de la musique et suis motivée à avancer.

Nous devons ensuite monter une colline qui est plutôt raide. Des plantes piquantes nous écorchent les jambes et les pieds. J’entends Mike les insulter à coup de « Fuck you bitches !! » Ça me fait rire. Haha ! Il me dit qu’elles lui traversent les chaussures et que ça lui fait mal aux pieds. Ça me fait rire encore plus. « Merde, mec ! » est tout ce que je trouve à lui dire pour le réconforter. Arrivés au sommet, nous sommes surplombés par des névés et de la roche. La météo est mitigée. Il fait tantôt chaud, tantôt froid, avec des rafales de vent par moments. Nous faisons une petite pause mais avons très vite froid. Bouffe, bouffe, bouffe, nous ne parlons que de cela !

Nous descendons ensuite une pente plus ou moins douce depuis laquelle nous pouvons admirer le bleu glacial du lac de Ohau. Nous traversons ensuite une forêt, avant d’arriver sur une route 4x4. Finalement nous rejoignons la route principale sur laquelle nous marchons les derniers petits kilomètres, avant d’arriver à un camping situé au bord du lac. Nous montons nos tentes, mangeons et buvons une tisane. Ce soir, je m’endors le ventre plein. Tellement plein que j’ai eu du mal à m’endormir.



07.01.20 (J 29)

Je me réveille à 8h. Mike, lui, a choisi d’aller à vélo jusqu’au Lac de Tekapo. Une compagnie viendra le lui amener à 9h. « T’as bien raison, mec. Ça doit faire du bien de changer un peu de la marche. » Nous nous disons au revoir. Qui sait ? Peut-être nous recroiserons-nous à un moment donné ?

Je me mets en route à 10h, sous un ciel dégagé et ensoleillé. Mes rétines quittent le lac de Ohau pour se déposer sur celui de Ruataniwha. Ce dernier est très proche de la petite ville de Twizel, ma destination du jour. Je marche sur un chemin large qui surplombe une magnifique rivière. Je savoure ma journée de marche, c’est magnifique par ici.



La bouffe tourne à l’obsession. J’ai tellement hâte de pouvoir manger autre chose que de la purée et des lentilles que je me mets à courir sur les derniers kilomètres. Une fois que j’atteins l’autoroute, j’aperçois, de l’autre côté, une ferme à saumon à côté de laquelle se trouve un restaurant. J’y vole ! « Bonjour. Un Tchai Latte, deux brownies, deux sandwichs au saumon, une barre de céréale et un litre d’eau, s’il vous plaît.» J’ingurgite le tout en quelques minutes à peine. J’ai mal au ventre. C’était un peu trop de mélange d’un coup, je crois.

J’attaque ensuite les quatre derniers kilomètres qui m’emmènent à la petite ville de Twizel. J’ai réservé une chambre à bas prix dans un petit hôtel. J’y arrive en début de soirée. Je fais ma lessive, me douche et fais des courses. Le soir, je file au restau me taper un steak d’agneau de 500 grammes. Dans mon lit douillet, je dors comme un bébé. La vie est belle !

08.01.20 (J 30)

Je me lève à 6h et traîne un peu au lit. C’est quand même super agréable de dormir dans un vrai lit de temps en temps ! Je refais quelques courses et me tape un petit-déjeuner à m’en péter le bide : œufs, bacon, fruits, ... La vie ! Je me mets en route pour le Pines Campsite de Pukaki, situé à 11 km de Twizel. Une fois arrivée, je me pose pour manger un morceau puis continue encore sur sept kilomètres, jusqu’à un croisement de route. Je reviens au camping en stop et monte ma tente. J’ai des ampoules et des crevasses au niveau des talons. Ça me fait mal. Dans deux jours, je serai au Lac de Tekapo. Je m’y octroierai deux jours de repos. Ce soir, j’ai une vue magnifique sur le lac et les montagnes. Je suis vraiment trop bien dans la nature. Il n’y a pas un pet de vent et le ciel est dégagé. Je m’endors comme un bébé.

09.01.20 (J 31)

Ce matin, je traîne au lit. J’ai la flemme. Je fais à nouveau du stop pour me rendre au croisement de route que j’avais atteint la veille et continue de marcher. Seulement 22 km m’attendent aujourd’hui. Je longe le lac sur un chemin plat et lisse. Il fait beau et chaud. J’ai le cul béni avec la météo !

Le paysage est splendide, c’est un régal pour les rétines et l’âme. Ensuite, sur 16 kilomètres, je longe un canal aussi bleu que le lac. C’est joli, mais un peu trop plat à mon goût. Je m’arrête un moment pour manger. Quand je reprends ma balade, un vent pas possible se lève. Je me rapproche des montagnes, elles sont grandioses. Cette partie du Te Araroa est sur la A2O*.


*Alps to Ocean est une piste cyclable qui traverse la Nouvelle-Zélande. Le sentier s'étend sur plus de 300 kilomètres d'Aoraki / Mount Cook à Oamaru sur l'océan Pacifique. Adapté à tous les âges, le sentier est une catégorie facile et offre un mélange de sentiers sur route et hors route.

Une fois arrivée au bord de l’autoroute, j’observe un écriteau sur lequel est écrit Te Araroa, avec le symbole du trail. « Super Lise. Presque 600km de fait ! » Je m’encourage toute seule. Je fais du stop pour rejoindre le camping dans lequel j’ai dormis hier soir. Je n’ai pas envie de me taper encore 15 kilomètres à pied jusqu’au Lac de Tekapo. Pour la petite histoire, le « camping » dans lequel j’ai dormi hier est, en fait, seulement ouvert aux véhicules. Et, c’est précisément un mec chargé de foutre les campeurs dehors qui me prend en stop. Il me dit qu’il n’est pas chargé de ce camping-là et me conseille simplement de me planquer un peu, pour ne pas que l’on me voit. Je rougis et lui répond un « Thank’s mate ! ». Je trouve un endroit à l’abris et monte mon campement. Je masse mes pieds souffrants et m’endors rapidement.

Pensée du soir : mes pieds, mes jambes et mes hanches me torturent depuis deux jours. J’ai eu droit à un super coucher de soleil. « Joli, Michel. Joli ! »


10.01.20 (J 32)

Aujourd’hui, j’ai bien dormi, je me sens reposée, mais je me sens hyper sale. Je rêve de prendre une douche et de laver mes fringues qui puent la mort. En plus, mes crevasses aux pieds sont vraiment dégueulasses. Il faut que je m’en occupe. Je décide de faire du stop jusqu’au Lac de Tekapo où j’ai réservé un hostel pour deux nuits. Je marcherai en sens inverse plus tard dans la journée.

Une fois arrivée au village, je m’arrête prendre un tchai et manger des brownies avant d’aller à l’hostel. Ce dernier est super : l’endroit est calme, et il y a même des lapins et des cochons d’Inde dans le jardin. Je tape la discute avec eux. Je dépose mon sac à dos et pars faire mes 15 kilomètres jusqu’à l’intersection de l’autoroute. Le chemin est égal à celui d’hier : la route A2O qui longe le canal. Je liquide le tout en 2h30. Ah, le bonheur de marcher sans sac à dos ! J’ai l’impression de voler. Un jeune Indien me ramène ensuite en stop. Je file sous la douche et marche jusqu’aux bains thermaux qui sont situés à deux kilomètres de mon hostel. Ahhh, les bains thermaux ! J’en rêvais depuis des semaines !

Je rentre, je mange et ne tarde pas à m’endormir. Je suis claquée.

11.02.20 (zero day)

Je me réveille à 8h. Je fais ma lessive et file aux bains thermaux. Je m’arrête faire des courses sur le chemin du retour et rentre dans ma chambre me reposer. Il fait gris et il y a du vent aujourd’hui. En bref, une journée parfaite pour ne rien faire !

12.02.20 (zero day)

Je décide de rester encore ici un jour. Je dois juste changer de lieu de vie parce que l’hostel dans lequel je viens de passer deux nuits est complet ce soir. Je fais donc mes affaires et file dans un autre hostel qui est bien aussi. Je refais des courses et me prépare pour ces prochains jours. J’ai abandonné la technique des Tupperware et ai acheté plusieurs sachets de nourriture lyophilisée de la marque Backcountry, facilement trouvable dans les supermarchés. La prochaine grande étape du trail sera Arthur’s Pass. J’y serai dans une semaine environ. Je passe la soirée à écrire et mange une pizza en admirant le coucher de soleil sur le lac.

13.02.20 (J 33)

Je me fais un pur petit-déjeuner et décolle aux alentours de 9h. Un poil tard, comme d’hab’, mais tant pis. Mon sac est beaucoup trop lourd. J’ai (encore !) acheté trop de bouffe. - J’en ai pour dix jours au moins ! - Je marche le long d’une route gravillonnée, sur une quinzaine de kilomètres, avant de rencontrer un couple de français et leur petite fille Gabrielle qui campent là. Ils m’offrent un café et on discute un moment. Je me tâte à camper là mais décide finalement de poursuivre. La prochaine hut se trouve à cinq heures de marche mais je crois qu’aujourd’hui, j’ai la flemme. Je n’ai pas trop le moral, pas vraiment envie de marcher. La reprise est dure ! Et mon sac me tue le dos. Le vent se lève, je me mets à la recherche d’un endroit pas trop exposé pour y planter la tente. En allant chercher de l’eau dans un ruisseau, je découvre le spot idéal et bien protégé pour dormir. Je monte mon campement, médite et m’endors facilement.



14.01.20 (J 34)

Le soleil caresse mon visage à 9h30. Je lui dis bonjour et le remercie d’être là. J’ai beaucoup de gratitude que la météo se soit améliorée ces dernières semaines. Je mange, remballe mes affaires, et me pose sur un caillou pour admirer le paysage incroyable qui s’offre à moi. Un gars qui à tout l’air d’avoir fait l’armée section « forces spéciales » vient à ma rencontre.

On discute un moment. Il me dit qu’il a traversé les rivières Rakaia et Rangitata, rivières que je compte bien contourner en navettes. Il est grand et hyper bien bâtit. Il ne fait en tout cas pas 1.53m. Tu m’étonnes que c’est plus facile à traverser quand tu es une armoire à glace !

J’ai la même baisse de motivation qu’hier. Pas vraiment envie de mettre un pied devant l’autre, même si le terrain est plat et facile. J’ai à nouveau une vue imprenable sur le lac et les montagnes. C’est trop beau !

Le chemin surplombe une jolie rivière. Je descends et la traverse, avant de remonter sur une colline. Encore un dernier effort et me voilà arrivée à la Camp Stream hut. Je mange, lis, écris et m’endors rapidement.

15.01.20 (J 35)

Journée de merde. Déjà, je ne suis pas d’humeur. J’ai mal dormi, et je n’arrête pas de penser à maman. Je maudis toutes les personnes qui m’ont dit, lorsqu’elle est morte, « tu verras, dans deux ans, ça ira mieux ». Deux ans... mon cul, oui ! Ensuite, je galère dans un chemin de merde alors que, si j’étais montée sur une crête et l’avais longée, j’aurais eu une vue magnifique et aurais progressé sur un chemin beaucoup plus facile. J’atteins un col (le plus haut de ces 3’000km) et m’arrête. Je prends une pause et y laisse mon sac pour attaquer un petit sommet à 2'000m. d’altitude, qui se situe juste un peu plus haut. Ma mauvaise humeur disparaît un peu, au fur et à mesure que mes yeux se déplacent devant le spectacle que dame nature m’offre. Le panorama est incroyable !


En redescendant en direction du col, mes godassent me lâchent. Putain ! Il y a un énorme trou sur les côtés. Je gémis, « je vais jamais y arriver, bordel ! » Ce qui me fait le plus chier, c’est qu’elles m’ont couté 300$ et que ça ne fait même pas trois semaines que je les porte. Bon, en même temps, je marche dans de la caillasse tranchante depuis ce matin... C’était écrit qu’elles allaient me lâcher. Mais merde, quand même !

Je les bande avec un bandage normalement fait pour traiter les tendinites. Il ne me reste que deux jours de marche avant de pouvoir les changer. J’espère que mon bandage ultra sophistiqué suffira et que je ne finirai pas en chaussettes...

Au col, j’ai un peu de réseau téléphonique. J’appelle Wayne, un mec qui organise des transferts pour les marcheurs qui ne souhaitent pas traverser les deux grosses rivières - Rakaia et Rangitata - . Il me dit qu’il me récupèrera le 17 à 10h.

Je me tape ensuite une belle descente avant d’arriver à la hut. Je vais me rincer dans la rivière qui est juste à côté de celle-ci. Et comment finit-t-on une journée de merde ? En s’arrachant l’ongle qui menaçait de partir, bien sûr ! J’en connais une qui va être sexy, en Tongue, cet été !

16.01.20 (J 36)

Je décolle à 8h. Rien de nouveau aujourd’hui. Un pas après l’autre, un pied devant l’autre...

Je marche entre des herbes plus ou moins hautes et traverse plusieurs pierriers qui surplombent une rivière verte. Le relief est doux, il fait beau. Bon, le paysage reste quand même incroyable. Je traverse une rivière et arrive à la Stone hut. Je m’arrête pour manger et rebander mes chaussures. J’ai croisé Vincent et Hul que j’avais rencontrés hier soir. Ils sont deux fois plus rapides que moi. Le paysage change un peu, il se fait plus désertique et prend des allures lunaires. À certains moments, les montagnes qui m’entourent sont douces, tandis qu’à d’autres, elles sont beaucoup plus abruptes et rocailleuses. Je traverse un autre col et m’y arrête manger. La bouffe lyophilisée que j’ai acheté est infecte. Je remplace mon repas par des barres des céréales et ne tarde pas à me remettre en route. Aujourd’hui, je fais des pauses, je prends le temps de m’absorber du paysage car il est, là encore, spectaculaire.


J’arrive à la hut vers 17h. Je prends le temps de me laver dans la rivière. J’y plonge ma tête et savoure l’eau glacée qui me dépouille de la poussière dont mon corps et mes cheveux sont imprégnés. Ce soir, je lis, j’écris et m’endors rapidement.

17.01.20 (J 37)

Je me réveille à 5h. Le lever de soleil est magnifique ce matin. Il éclaire une vallée entourée de montagnes. Je descends un petit sentier, traverse une petite rivière, avant de remonter de l’autre côté. Je redescends ensuite dans le lit de la rivière et la longe pendant trois heures. La progression se fait lentement. Je marche sur des gros galets et dois traverser la rivière à plusieurs reprises. Elle est calme et peu profonde, alors ça va. J’arrive ensuite à une route 4x4 et peine à trouver le parking - hyper mal indiqué - où Wayne m’attend, ainsi que mes potes Vincent et Hul. Je monte dans le mini bus. C’est parti en direction de la petite ville de Géraldine ! Je vais y rester un ou deux jours. J’ai besoin de me poser un peu. J’ai réservé une super chambre dans un super hotel super pas cher. Quelle classe ! La literie est tellement confortable que je pourrais ne plus la quitter. Je fais ma lessive et passe de longues minutes sous la douche. Je fais quelques courses, mange un morceau et m’endors rapidement.


18.01.20 (zero day)

Je dois changer mes chaussures, c’est impératif. J’hésite : soit j’achète la paire que j’ai sous mes yeux, - que je viens de trouver dans le seul magasin qui vend des chaussures de toute la ville -, soit je fais du stop jusqu’à la ville de Timaru dans laquelle j’aurai plus de choix.


hoka-one-one
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Ma décision est vite prise : va pour la paire que je viens d’essayer ! Le stop jusqu’à Timaru m’aurait pris toute la journée...

Ensuite, je file dans un café et savoure un smoothie à la banane. J’en rêvais depuis des semaines ! Je passe le reste de la journée à me reposer dans mon lit ultra confortable. Putain, c’est trop bon, un vrai lit !

19.01.20 (J 38)

Je remballe mes affaires et décide de rejoindre, en stop, le début du trail situé de l’autre côté de la rivière Rangitata. Une voiture me prend rapidement. Je nous dirige avec l’application du trail et suis son point GPS. La conductrice, qui est ultra adorable, m’avance de plusieurs kilomètres sur la route que mon GPS nous indique. Elle me dépose, je la remercie mille fois et commence à marcher. Je compare Maps Me à l’application du trail et découvre que la route n’est pas la bonne. Merde ! Bon, pas de panique. Je dois juste marcher quelques kilomètres en plus et traverser un pont afin de rejoindre la vraie route sur laquelle, normalement, il y a du trafic. J’aurai donc de la facilité à trouver un autre véhicule qui m’emmènera - enfin - au début de mon parcours.

J’avance sous un soleil de plomb et rejoins la route au bout d’une heure environ. Une voiture me prend rapidement et m’emmène là où je dois aller. La classe ! Je m’arrête manger un morceau sous l’ombre d’un arbre et me mets en route. Je fais le tour d’un lac, puis marche sur un sentier plat, entouré d’herbes sèches. Je fais une quinzaine de kilomètres à peine et trouve un endroit idéal pour camper. Ce soir, la lune et les étoiles sont magnifiques.



20.01.20 (J 39)

Il est 11h quand je me mets en marche. De pire en pire, bordel ! Le chemin est plat, aujourd’hui. Rien de spécial... J’arrive à la Double hut en fin de journée et me décrasse dans un ruisseau. Je médite et aurais pu rester dans mon assise pendant des heures. Je suis bien et fais un super rêve pendant la nuit.

21.01.20 (J 40)

Mon réveille sonne à 7h. Je n’ai aucune envie de me lever. J’étais trop bien dans les bras de Morphée, l’âme en paix.

En fin de matinée, le soleil perce peu à peu la brume qui couvre le paysage. Je grimpe des collines pour les redescendre aussitôt. Je monte ensuite à un col situé à 1'450m. d’altitude et mets une plombe à y arriver. Le soleil brûle et je fais pas mal de pauses. Je suis à la ramasse aujourd’hui. Une fois arrivée au sommet, je croise une jeune fille qui, elle non plus, n’a pas la motivation d’avancer en ce moment. Je compatis. On discute un moment, ça me fait du bien. Ensuite, je redescends au travers de hautes herbes. Je retrouve avec peu de joie mes amis « les trous bien planqués au milieu de celles-ci » et me concentre du mieux que je peux pour ne pas trébucher.

En amont de la rivière que je dois maintenant traverser un nombre incalculable de fois, je rencontre Luigi qui monte dans ma direction, à une allure folle. Mais d’où ces gens qui courent -ou presque-, tout le long de ce trail, trouvent la motivation de le faire ? Il est au taquet ce mec ! Il a besoin de parler et moi aussi, ça tombe bien ! On passe un long moment à discuter.

Je poursuis mon parcours pendant six kilomètres dans et autour de la rivière. Par moments, je ne me donne même plus la peine de traverser d’une rive à l’autre. Je marche carrément dedans. Cameron avait raison : je passe ma vie à avoir les pieds mouillés. Même les guêtres n’y changeaient rien. D’ailleurs, j’ai fini par m’en débarrasser. Je les ai envoyées à Opua quand j’étais à Queenstown.

J’arrive à Comyns hut en fin d’après-midi. J’y dépose mes affaires et prends un bon bain frais dans la rivière. Repas chaud et dodo.

22.01.20 (J 41)

Je me mets en route à jeun. Aujourd’hui, Wayne me retrouvera pour m’emmener à la ville de Methven. Je dois encore esquiver cette deuxième rivière, la Rakaia, que je ne souhaite vraiment pas traverser. Je marche quatre heures avant d’atteindre la route et de rejoindre Wayne. Il m’y attend à 13h tapante. Le chemin est bien dessiné, les paysages restent idylliques. Le chemin est plus ou moins plat sauf à la fin. Je descends des lacets sur un kilomètre environ.


J’y arrive une heure avant l’heure fixée et écoute de la musique en attendant qu’il arrive. Il y a un marcheur Japonais qui est là et qui attend aussi. Je l’avais croisé dans une hut il y a deux jours de ça.

Quand Wayne nous récupère, j’hésite à esquiver Methven et à aller directement de l’autre côté de la rivière et de continuer sur le trail. J’ai la pêche ! Mais l’image d’une pizza ou d’un smoothie à la banane a eu raison de moi. Va pour Methven ! Une fois débarquée en ville, je m’arrête dans le premier café que je croise et mange un morceau, en feuilletant un bouquin à disposition sur l’Himalaya. Je trouve ensuite une piaule dans un hostel, prends une douche, fais quelques courses et me tape un morceau de saumon de folie. Je m’endors comme un bébé.

23.01.20 (J 42)

Dernière ligne droite jusqu’à Arthur Pass. Je me fais un pur petit déjeuner : omelette, patates douces et fruits. Un régal ! Je fais du stop. Une voiture me prend rapidement et me dépose à un croisement car nous n’allons pas dans la même direction. Ensuite, un mec me prend et m’emmène au petit village du Lac Coleridge qui marque le début de ma marche du jour. La balade n’est pas des plus intéressantes : je marche 30km sur une route 4x4 qui est gravillonnée et plate.

J’arrive à un camping en fin de journée et monte mon campement. Le copain japonais est là, lui aussi. Je ne dors pas très profondément cette nuit.

24.01.20 (J 43)

Je décolle à 8h15 (un record, Lise !) C’est plat, re-plat et re-re-plat. Le soleil cogne. L’air est sec et aride. Je longe la rivière Harper pendant plusieurs heures. Je croise un français ultra canon qui a une superbe vibe et discute un moment avec lui. Il est grand, il est costaud et, je l’apprendrai par la suit, est fraîchement retraité de la section parachutisme de l’armée. Lui, il a envie de traverser les rivières Rakaia et Rangitata. « Fonce ! » Lui dis-je. Je traverse ensuite un pont et trouve, vingt minutes plus tard la hut Hamilton.

J’ai faim, soif, mal aux pieds, et suis fatiguée. L’air était tellement sec, aujourd’hui, que j’en ai mal à la gorge. J’aurais voulu continuer jusqu’à à la prochaine hut qui est à 1h30 de marche d’ici, mais tant pis. Je dépose mon sac et m’en vais faire trempette dans la rivière.

Ce soir, je prends le temps de manger, d’écrire et file au lit tôt.

25.01.20 (J 44)

Aujourd’hui, c’est direction Arthur’s Pass ! Je retourne en arrière et traverse le pont que j’ai traversé la veille afin de retrouver le chemin. Je fais un détour de 20 minutes pour aller voir à quoi ressemble le « Mirror lake », mais il n’y avait en fait rien d’exceptionnel à voir.

Je traverse ensuite un pont suspendu et me mets à râler à haute voix. « Putain de ponts à la con ! À 5'000 m. au Népal ils sont mieux foutus, leurs ponts suspendus ! » Et même avec du recul, je maintiens que c’est vrai. C’est qu’il y a beaucoup de ponts suspendus à traverser sur Te Araroa, et, en plus, ils sont vraiment mal foutus. Déjà, ils sont en ferraille qui pue. Ensuite, ils sont hyper étroits et donc, ma toile de tente qui est attachée au fond, à l’extérieur de mon sac frotte contre la ferraille. Pour éviter les dégâts, je dois donc souvent enlever mon sac et le porter sur ma tête (Haha, drôle, la scène !). C’est une perte de temps et d’énergie pour rien. Passons.

Je traverse une forêt qui monte et descend pas mal. J’ai déjà marché cinq heures lorsque j’arrive dans une petite hut. Je me pose et mange un morceau. Une dernière montée raide dans la forêt m’emmène sur une colline sèche qui surplombe une vaste vallée. La vue que j’ai sur la plaine, les montagnes, et les glaciers est magnifique. Il fait beau et chaud. Le chemin est dégagé et descend dans la vallée. J’ai du réseau sur mon téléphone. J’en profite pour appeler l’hostel qui est à Arthur’s Pass, mais il est complet. Une fois arrivée en bas, proche de l’autoroute, je tombe sur la Bailey’s hut et décide de dormir-là.

Un peu plus tard dans la soirée, Antoine, un jeune français (encore un !) débarque. On rigole un moment en sirotant une tisane. Lui, il marche sans réchaud à gaz. Pourquoi pas ? C’est toujours du poids en moins. Les souris dansent ce soir mais je dors, malgré le bruit, d’un sommeil de plomb.

Pensée du soir : J’ai marché 842km. Un bon début !


Du 26.01.20 au 9.02.20 (zero day)

J’ai fait du stop jusqu’à Christchurch et j’ai pris quelques jours de repos. Je devais surtout faire ma demande de prolongation de visa et ça m’a pris, au final, plusieurs jours pour rassembler tous les documents nécessaires. Ensuite, j’étais motivée à me remettre en marche mais les conditions météos n’étaient pas favorables. La rivière que je devais traverser après Arthur’s Pass a débordé pendant plusieurs jours. Pour couronner le tout, le week-end du 8 au 10 février, il y avait une course avec plus de 10’000 participants. Autant vous dire que je ne voulais pas me retrouver au milieu de cette cohue ! Et comme le temps passe à une vitesse folle, c’était déjà le 10 février, lorsque je suis retournée à mon point d’arrivée. J’ai marché les quelques kilomètres qui me séparaient du village d’Arthur’s Pass durant l’après-midi et y ai récupéré mon colis de nourriture de la marque Radix (que Mike m’avait fait découvrir lorsque nous marchions ensemble). Je suis ensuite retournée à la Bailey hut pour y passer la nuit.

J’ai le droit de me la péter avec mes cheveux propre, pour une fois !


10.02.20 (J 45)

Je fais du stop jusqu’à Arthur’s pass avant de commencer ma marche qui comprend cinq jours d’autonomie. Le prochain village que je croiserai sera celui de Boyle. Je longe le lit d’une rivière, avant de monter dans une forêt. Je marche ensuite sur des collines d’herbes sèches ; le chemin est joliment tracé et bien dégagé. Je m’arrête à la Goat Pass hut pour manger. Ensuite, je passe deux heures à descendre dans une rivière. C’est casse gueule et je progresse lentement. J’arrive à la Hupper Deception Hut en début de soirée. Je vais me rincer dans le ruisseau qui s’écoule à côté, prends le temps de m’étirer et de manger un morceau avant de filer au lit. Ce soir, je savoure le luxe d’avoir la hut pour moi toute seule.

Pensée du soir : J’ai mal partout. Dur, dur, la reprise.

11.02.20 (J 46)

Je décolle à 8h tapante. Je continue de descendre le long et dedans la rivière. (Plus dedans, en fait !)

Ensuite, je progresse dans le lit d’une autre rivière. Je mets du temps avant d’arriver au Morrison’s Footbridge. Il fait beau et chaud ; c’est agréable malgré une progression lente aujourd’hui. Je découvre aussi les joies d’utiliser mon nouveau Kamel Bac que j’ai acheté à Christchurch. Je ne prends même plus la peine, ni le temps, de filtrer l’eau. Je le remplis directement avec l’eau des rivières, des ruisseaux ou des tanks qui se trouvent dans les huts. Et Inch’Allah pour les bactéries !

Cet après-midi, je traverse une énième rivière de laquelle je ressors, encore une fois, toute tremblotante. Putain, j’espère vraiment que le courant ne m’emportera jamais, dans l’une ou l’autre de ces rivières... Traverser les rivières et marcher le long des autoroutes sont les deux choses qui me font le plus peur sur le Te Araroa.

Le chemin est ensuite moins bien tracé et il m’est difficile de me repérer. Je zigzague dans des hautes herbes piquantes et fais quelques détours mais mis à part ça, ça va.

Je m’occupe comme je peux, lorsque je gambade à travers champs !


Je passe encore pas mal de temps à traverser une énième rivière d’une rive à l’autre avant de me perdre totalement pendant un moment. J’étais persuadée qu’il fallait monter pour trouver la hut. Alors que non. Bon, je mets un peu de musique et retrouve le chemin. J’arrive à la Kiwi hut vers 19h. Je suis avec trois autres personnes ce soir. Routine étirement, repas, et lecture. Mes mains se referment sur le bouquin d’André Brugiroux : « L’homme qui voulait voir tous les pays du monde », une merveille qui me donne encore plus envie de ne jamais arrêter ce que je fais.

Pensée du soir : j’ai mal au genou gauche. La même douleur qui apparaît toujours lorsque je recommence à marcher. Ça appuie sur les tendons, et j’ai du mal à le plier. Je le masse avec mon huile essentielle d’eucalyptus citronné et espère que ça ira mieux demain.



12.02.20 (J 47)

Je me réveille en même temps que les autres et décolle à 7h30. Quel bonheur de partir avant 8h ! J’aime bien marcher sous le soleil matinal. Rivières, rivières, et rivières. Rivières à traverser, rivière à longer, rivière par-ci, rivière par-là... J’aimerai bien changer un peu de décors, mais bon ! Je marche ensuite dans une jolie forêt, sur un chemin proprement dessiné. C’est agréable, parfois, de retrouver un rythme un peu plus rapide.

Ensuite, je grimpe un peu jusqu’à 920m. d’altitude. J’arrive à la Hurrananui Hut N° 3 vers 18h. Elle est immense et pleine de monde. Ça y est, je commence à croiser la vague de SOBO* qui ont commencé à Cape Reinga au mois d’octobre/novembre.

Je mange, m’allonge, bouquine, et ne tarde pas à m’endormir.

*SOBO signifie southbound. On utilise les termes SOBO et NOBO pour désigner la direction dans laquelle les trekkers marchent. Southbound = du nord au sud et Northbound = du sud au nord.


13.02.20 (J 48)

Je me mets en route à 8h. Le chemin est plat. Je longe une rivière, traverse une forêt ou deux. J’ai croisé pas mal de SOBO qui marchaient en groupe et je m’attends à en croiser d’avantage ces prochains jours. Ça me fait plaisir de croiser du monde en cours de route ; ils me donnent le sourire. Surtout un homme qui marchait à poil. Lui, il m’a carrément fait rigoler. Hahah ! Il y a quand même des phénomènes, sur ce trail...

J’enlève mes baskets et marche les deux derniers kilomètres qui me séparent de la hut en chaussettes. J’ai mal aux pieds, un truc de fou !

En cours de route, je prends le temps de me rincer dans une rivière. Ça fait déjà quatre jours que je ne me suis pas lavée et je me sens sale. En plus, j’ai mes règles.

Une fois arrivée à la hut, (qui est incroyablement chouette et neuve), je m’étire, masse mes pieds et mes jambes et mange avec deux New Yorkais avec qui je partage les lieux. Ils me proposent du Whisky ; je décline l’offre. On passe une super soirée ensemble ! Que des rires !

Je me coupe les ongles des pieds et, manque de bol, celui du petit doigt me reste entièrement dans la main. Je souris « combien m’en restera-t-il à la fin ? »

Je bouquine et ne tarde pas à m’endormir.

14.02.20 (J 49)

Je me mets en route à 7h. Je pars à jeûn, car j’en ai déjà marre de ne bouffer que du Radix... Le terrain est toujours plat et les paysages ne sont pas des plus exceptionnels. C’est mon dernier jour de marche avant d’arriver au petit bled de Boyle. Il fait beau et chaud par contre, ce matin, mon genou me fait mal d’entrée. Lorsque c’est plat, ça va plus ou moins, mais dès que ça monte ou que ça descend un peu, j’ai de la peine à le plier et je pète de mal.

À 15h, j’en peux plus. Même à plat, c’est une horreur. Mes pieds, eux aussi, me font terriblement souffrir depuis hier. Quelle merde ! Je décide de quitter le chemin dès que je peux et me traîne (ma jambe gauche, surtout) en bordure d’autoroute. Je crève de mal.

Je lève le pouce. Une bagnole me prend et m’emmène dans le Education Center* de Boyle, là où un colis de nourriture Radix et OSM (barres de céréales) ainsi qu’une bonne douche m’attendent. Je rince mes affaires en même temps que je me lave, moi, sous la douche. Ensuite, j’avale une pizza et une cannette de coca. À la cuisine, il y a une famille qui marche Te Araroa en direction du sud. Un couple et deux enfants de 8 et 10 ans environs. Je discute avec la maman pendant un moment. « Vous êtes courageux, putain ! » Je ne sais vraiment pas comment ils font pour marcher comme ça avec des enfants. Ça doit être stressant et pesant au niveau des quantités de bouffe et d’affaires à se trimballer sur le dos... Eux, ils ont la classe !

*Centre éducatif. Un bâtiment doté d’une immense cuisine, de douches communes et de grands dortoirs.

La fin de journée passe hyper vite. Je me repose et bouquine. J’ai aussi reçu un mail de l’immigration. Ils ont prolongé mon visa de 3 mois. Yes ! Mon genou m’inquiète mais là, je n’ai qu’une hâte ; celle d’avancer et de poursuivre mon chemin qui est encore bien long.

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